Alors que la réédition du seul ouvrage d’Adolf Hitler crée la polémique en Europe, le livre n’a jamais cessé d’être un best-seller dans le monde musulman.
Si la réédition de Mein Kampf était interdite en Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale, il était possible de dénicher l’ouvrage en France en édition intégrale. Toutefois, le livre ne peut pas être exposé en vitrine et il doit être vendu accompagné d’un avertissement de huit pages soulignant que cette œuvre « peut encore, malgré l’inanité de ses théories, contribuer à une renaissance de la haine raciale ou à l’exaspération de la xénophobie ». En revanche, les éditeurs dans les pays musulmans ne prennent pas ce genre de précaution.
Au Caire, à Damas, ou à Erbil, au Kurdistan irakien, Mein Kampf est en bonne place, non seulement aux devantures des librairies, mais dans la rue, chez les marchands de journaux.
Ce sont en général des éditions pirates.
Antoine Vitkine, auteur de Mein Kampf. Histoire d’un livre, raconte qu’en quelques semaines la réédition de l’œuvre du Führer, en 2005, s’est vendue à 80 000 exemplaires en Turquie. Alors qu’en France il ne s’en écoule guère plus de 2 000 à 3 000 par an.
Ce livre, de 700 à 800 pages selon les éditions, est particulièrement indigeste. Un exemple? « Le juif international avait alors bien apprécié la situation. Le peuple allemand n’était pas encore mûr de pouvoir être, comme il advint en Russie, traîné dans la boue sanglante du marécage bolchevique », écrit Adolf Hitler, alors emprisonné dans la forteresse de Landsberg après un coup d’État manqué.
Soutien nazi aux Frères musulmans
Mais ces attaques, aussi nauséabondes qu’incessantes contre les juifs de la part du dictateur allemand, ravissent la confrérie des Frères musulmans.
Le 30 janvier 2009, le plus célèbre d’entre eux, Youssef Qaradawi, sur la chaîne qatarie Al Jazeera, déclare :
« Tout au long de l’histoire, Allah a imposé [aux juifs] des personnes qui les punissaient de leur corruption. Le dernier châtiment a été administré par Hitler. (…) C’est un châtiment divin. Si Allah veut, la prochaine fois, ce sera par les mains des croyants. »
D’origine égyptienne, mais naturalisé qatari, Youssef Qaradawi est le fondateur du Conseil européen de la fatwa et de la recherche.
Aucune des 27 organisations islamiques européennes, notamment l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), n’a pris ses distances avec ce théologien.
Dès sa création, en 1928, en Égypte par Hassan al-Banna, la confrérie des Frères musulmans reçoit le soutien financier des nazis, via Alfred Hess, le frère de Rudolf Hess, l’adjoint du Führer, installé à Alexandrie et animateur de la section égyptienne du NSDAP, le parti national-socialiste.
Il leur distribue des versions arabes de Mein Kampf, de la brochure Judenfrage in Deutschland (La Question juive en Allemagne), et des Protocoles des sages de Sion, un faux grossier évoquant un complot juif mondial. Une autre organisation, le mouvement Jeune Égypte, adopte le salut fasciste, les processions aux flambeaux, et participe au congrès nazi de Nuremberg.
Des SS musulmans
Quant à Mohammed Amin al-Husseini, le grand mufti de Jérusalem, il rencontre Adolf Hitler le 28 novembre 1941 à Berlin. Durant toute la guerre, il animera en Allemagne une radio de propagande destinée au monde arabe et musulman. Dans les Balkans, il encourage de jeunes musulmans à rejoindre la 13e division de la Waffen SS Handschar. Des photos le montrent en novembre 1943 en train de lever le bras, passant en revue des SS bosniaques.
Après la Seconde Guerre mondiale, si des dignitaires nazis ont utilisé des filières sud-américaines pour échapper à la justice, d’autres ont choisi les pays arabes, en particulier l’Égypte et la Syrie.
Géraldine Schwarz, dans le film Exil nazi : la promesse de l’Orient, raconte qu’une cinquantaine d’officiers nazis, notamment Walter Rauff, l’inventeur des camions à gaz en Europe de l’Est, ont participé à la réorganisation de l’armée et des services de renseignements syriens.
Le nazisme a d’ailleurs inspiré une branche du parti Baas, toujours au pouvoir à Damas avec Bachar el-Assad.
Ian Hamel