Le jour où Mohamed Merah a assassiné des enfants juifs devant leur école, ce jour-là la France a perdu une part d’elle-même. Son âme meurtrie, son identité blessée, son corps ruiné, elle ne pouvait plus être sans pousser un cri d’horreur et descendre dans la rue pour essayer de combler les trous que cet acte abjecte venait de faire dans son histoire.
L’antisémitisme n’est pas un accident de cette histoire. Il est et a été souvent présent, actif et sans honte ni peur. Que ce soit l’affaire Dreyfus ou la rafle du Vel d’Hiv, que ce soit hier ou aujourd’hui, le juif a été tout le temps le bouc émissaire idéal pour vomir la jalousie, le ressentiment, le mal être ou simplement la façon d’être au monde. Le rejet de l’Arabe est une variante de cet antisémitisme. De toute façon celui qui n’aime pas le juif refuse par la même occasion l’Arabe et par extension le musulman.
L’islamophobie ou plus exactement la haine de l’islam s’est installée aisément dans les mentalités parce que l’antisémitisme était déjà à l’œuvre. Peut-être que la différence viendrait du fait que l’islam a été utilisé comme étendard du terrorisme et de la haine de la France. Quand des Salafistes convoquent certains versets pour justifier leur antisémitisme, ils se trompent d’époque et de lecture. Les conflits entre Mahomet et les juifs sont datés et circonstanciels. Il ne sert à rien de vouloir les prolonger et les extrapoler pour alimenter la haine du juif.
La haine du juif n’avait pas besoin de raison. On insulte, on agresse, on tue un juif parce qu’il est juif. Le « gang des barbares » n’avait rien à reprocher à Ilan Halimi si ce n’est sa judéité et dans l’imaginaire de cette bande de criminels, cela implique de l’argent.
On ne rejette pas le musulman parce qu’il est riche. On défenestre une vieille dame juive parce qu’on suppose qu’elle a une fortune cachée dans son domicile.
Aujourd’hui certains Gilets jaunes crient leur haine de Macron, pas parce qu’il serait un mauvais chef d’Etat ou un président qui aurait trahi son pays, non, on hurle et on réclame sa mort parce qu’il est confondu avec Rothschild. Qui dit Rothschild dit brassage d’argent. Macron n’est pas juif mais il a tout d’un juif dans la mesure où il s’est « judifié » au contact de Rothschild et de sa banque. Le message est clair : certains slogans contre Macron puent l’antisémitisme.
Quand Alain Finkielkraut se fait huer au moment de « La Nuit debout » ou samedi dernier parce qu’il passait par là et que quelques manifestants l’ont reconnu, la première réaction fut celle de crier « barre toi sale sioniste de merde ». Chaque hurlement était une sorte de meurtre symbolique parce que certains n’auraient pas détesté lyncher ce juif qui ne faisait que passer.
Les meurtres commis par Mohamed Merah ne cessent de hanter la mémoire de ce pays où on est tué parce qu’on est juif.
Le racisme en général –le rejet de l’étranger, de l’immigré, du réfugié, du noir ou du musulman—a régressé. On en parle beaucoup, mais on n’est pas passé à l’acte d’éliminer cet étranger. Certes le 17 octobre 1961, on a jeté des Algériens dans la Seine. Le 14 novembre 1983 on a balancé Habib Grimzi un voyageur algérien d’un train entre Bordeaux et Vintimille. Le 1er mai 1995 on a jeté dans la Seine Brahim Bouarram, un passant marocain. Ces actes d’un racisme banal ont tous été dénoncés.
Depuis une quinzaine d’années, les agressions physiques, les insultes puis les assassinats des juifs se sont multiplié dans cette France où une partie de la population vit dans la peur au point où quelques milliers de familles juives ont dû quitter ce pays pour trouver asile en Israël ou ailleurs.
La liste des juifs tués depuis les enfants de l’école Ozar Hatorah à Toulouse est là : Ilan Halimi, l’attentat contre l’Hyper Casher de Vincennes, Sarah Halimi, Mireille Knoll.
Manifester son dégoût en défilant en silence comme cela a été fait après le massacre de Charlie Hebdo, est la moindre des choses. Mais la France a besoin d’être réparée, car la haine du juif entraîne celle de tous les autres êtres humains. C’est en ce sens que nous sommes tous concernés par l’antisémitisme. Ce n’est pas une simple affaire entre une certaine France et une population juive. C’est l’affaire de tous quelles que soient les croyances, les convictions ou les idées. Chacun en son être reçoit une part de cette blessure qui s’acharne sur le juif;;
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