Le développement des shtetlekh au XIXe siècle dans la « Zone de résidence juive », qui regroupait une partie de la Pologne et de la Russie, vient de l’interdiction faite aux Juifs de posséder la terre et de l’exclusion des Juifs des grandes villes du centre de la Russie.
Un antisémitisme d’état
L’antisémitisme s’est développé au XXe siècle comme antisémitisme d’État, les Juifs étant le bouc émissaire des difficultés économiques, et comme antisémitisme quotidien, les Juifs étant accusés, dans les années dix et vingt en Pologne, alternativement de collaboration avec les Allemands ou avec les Russes ; dans les années trente, antisémitisme populaire et mesures de discriminations et d’exclusions professionnelles s’alimentent mutuellement. Pogroms et pauvreté conduisent de nombreux Juifs à chercher à émigrer.
Une communauté diversifiées
La spécificité des communautés juives vient aussi de ces mesures d’exclusion, lointaines et contemporaines. La yidishe gas (la rue juive), les luftmentshn (les gens qui vivent de l’air, faute de mieux), les shnorer (les mendiants) sont évoqués ici.
Mais ces communautés n’étaient pas figées : elles étaient elles-mêmes soumises à des tendances contradictoires, entre tradition et modernité, tant sur les plans religieux que social, politique et culturel.
Les Juifs des shtetlekh n’étaient pas tous en caftan et papillotes, contrairement à ce qu’une vision réductrice voudrait bien le laisser croire aujourd’hui.
Les contes mettent en scène ces réalités contradictoires, la tradition orale des histoires suffisent à les animer, pas à en expliquer les fondements.
Juif et …
Juifs et Polonais, Juifs et catholiques, Juifs et goyim, Juifs et non Juifs, Polonais juifs et chrétiens… Quelle dénomination adopter?
Derrière cette question, il y a bien sûr tout le débat sur la nation, le peuple, la religion… Tous les textes de l’époque ou sur l’époque, qu’ils soient écrits ou non par des Juifs, parlent des Juifs et des Polonais. Il n’y a guère que quelques auteurs occidentaux, jeunes en général, qui prennent des précautions de style, n’opposant pas Juifs et Polonais mais Polonais juifs et Polonais non-juifs, correspondant davantage à la réalité qu’ils vivent qu’à celle de la Pologne de 1939.
Mais on ne peut transposer la réalité de l’intégration occidentale à celle de la Pologne d’avant-guerre, où deux mondes vivaient séparément.
Les discriminations
Dès la naissance de l’État polonais en novembre 1918, la violence antisémite se déchaîne avec 110 pogroms.
Toute la panoplie classique de l’antisémitisme se retrouve dans la presse de droite, où les Juifs sont accusés de meurtres rituels, de trahison envers l’armée, de collaboration avec l’occupant allemand, de bolchevisme.
Par exemple, le yizker buh (Livre du souvenir) de Zelechow porte témoignage des exactions antisémites dans les années 1918-1920, menées d’abord par des soldats allemands, puis par des soldats polonais de retour du front, à Zelechow et à Sobolew.
Pendant la guerre russo-polonaise, les Juifs sont accusés de connivence avec l’ennemi. Après quelques mois d’apaisement dus au débat de la conférence de Paris qui élabore les traités sur les minorités nationales devant être annexés au traité de Versailles, la situation se dégrade à nouveau.
La retraite de l’armée polonaise et l’avancée de l’Armée rouge provoque une véritable psychose d’un complot judéo-bolchevique. En 1920-1921, environ 1000 pogroms éclatent.
Dès les années vingt, le traité de Versailles n’est guère respecté. Le gouvernement de Pilsudski accumule les discriminations, en particulier sur le plan économique. Le gouvernement des colonels considère que la population juive est « de passage » en Pologne, qu’elle doit émigrer et, qu’en attendant, les droits civiques doivent lui être refusés.
Cette idée d’expulsion des Juifs conduit le gouvernement à demander à la SdN des territoires dans les colonies, et aux banques internationales des financements…
Les discriminations économiques s’accumulent. Les Juifs sont exclus des emplois publics en 1930. Lorsque l’État nationalise des secteurs, il en exclut les Juifs. La distribution du crédit bancaire défavorise les commerçants juifs (37 % de la population juive) ; la Communauté met alors en place ses propres circuits de crédit.
Dans l’artisanat, un examen est instauré en 1927 pour l’obtention d’un certificat d’aptitude à l’exercice des métiers. Les conditions d’accès à l’examen excluent de fait les Juifs (droits d’inscription élevés, formation longue, langue polonaise). Ceux qui exerçaient déjà, dont la plupart ne possédaient pas de diplôme, se retrouvent dans l’illégalité. Or 35 % de la population juive, en moyenne, travaille dans l’artisanat. Cette mesure va avoir un effet catastrophique : travail clandestin, fermetures d’ateliers.
En 1929, le dimanche est déclaré jour de fermeture obligatoire, obligeant ainsi les commerçants juifs à fermer deux jours, le samedi et le dimanche.
En 1936, le premier ministre présente à la Diète le boycott des boutiques juives par la phrase célèbre : « Boycott économique soit, mais sans préjudice aucun ».
En 1936 encore, l’abattage rituel est contingenté pour « des raisons humanitaires ». Les professions libérales prennent successivement des mesures d’exclusion des Juifs en 1937.
Un numerus clausus est imposé à l’Université et les agressions qui s’y déroulent font chuter le nombre d’étudiants juifs de 24,6 % en 1921 à 8,2 % en 1938.
De 1935 à 1937, les pogroms se multiplient de nouveau.
De nombreux Juifs cherchent à émigrer. Mais alors qu’au début du siècle l’émigration dépasse largement la croissance naturelle de la population, à partir de 1920 c’est l’inverse.
Les pays d’accueil ferment leurs frontières ou, au mieux, limitent les entrées : l’émigration chute même de 1930 à 1932, à cause de la dépression économique. Elle remonte de 1933 à 1935, mais représente moins de 1 % de la population. À partir de 1930, l’essentiel des émigrants polonais sont des Juifs.
Le shtetl
Les Juifs représentent environ 10 % de la population polonaise, soit 2,9 millions de personnes en 1921 et 3,1 millions en 1931. Dans certaines grandes villes, leur pourcentage atteint et parfois même dépasse 30 % : c’est le cas à Varsovie, Lodz, Lvov et Lublin. Ou bien entre 20 et 30 %, comme à Cracovie, Vilno et Czenstochova.
Les shtetlekh sont des agglomérations intermédiaires entre les mondes rural et urbain.
Dans ceux-ci, la proportion de Juifs peut être encore plus élevée : par exemple, à Jablonna-Legionowo, les Juifs représentent 50 % de la population au début du XXe siècle, après un pic à 65 % à la fin du XIXe siècle ; à Falenitz-Miedzeszyn, les Juifs représentent 65 % de la population dans les années trente, et pendant les vacances, la population juive double ; à Zelechow, les Juifs représentent 70 % de la population au début du XXe siècle.
Quels que soient les pourcentages, la vie est séparée : structure économique spécifique, langue différente, organisation communautaire propre, qu’elle soit religieuse ou politique.
Tout concourt à créer une vie juive particulière, dans des quartiers délimités des grandes villes et surtout dans les petites villes.
Cette vie juive se heurte en permanence à l’hostilité, voire aux pogroms. La pléthore des petits métiers – majorité de commerçants et d’artisans – crée la yidishe gas (la rue juive) et la mark platz (la place du marché), avec leur agitation tant décrite dans les souvenirs, leurs enseignes tant montrées sur les photos, leurs histoires tant présentes dans la littérature. La langue différente, quels que soient les débats linguistiques, fonde l’appartenance à la Communauté. Tout cela forge la Yiddishkeït.
Les structures de représentation de la Communauté sont spécifiques sur le plan religieux, par définition, et le deviennent sur le plan politique au travers du débat sur l’autonomie culturelle et politique et la nécessité d’organiser séparément les masses juives.
Mais contrairement à l’image qui en est parfois donnée, le shtetl n’est pas une société immuable, emprunte de tradition.
Il est au contraire confronté à tous les bouleversements de ce début de siècle, fondés sur les changements économiques de la société dans son ensemble et renforcés par les mesures discriminatoires contre les Juifs.
Le shtetl est traversé par les conflits entre modernité et tradition, sur les plans religieux, social, politique et culturel. D’autant que la population est jeune : dans les années trente, la moitié a moins de vingt ans. Les différenciations marquent cette société en mouvement et expliquent l’ampleur de ses débats et de ses conflits internes.
L’image des vieux Juifs pieux est une réalité, mais parmi les religieux eux-mêmes se différencient plusieurs courants.
L’image des manifestations de masse est une réalité qui témoigne d’une radicalisation, mais de plus en plus de Juifs tentent d’émigrer, faute d’espoir sur place. L’image de la pauvreté est une réalité, mais qui masque les écarts au sein de la société juive. Et même parmi les pauvres, tous ne sont pas les shnorer (les mendiants) de la littérature, et les photos juxtaposent haillons et vêtements à la mode.
Toutes ces composantes existent en même temps, loin d’une société immobile, idée que contribue à forger le fait qu’elle se soit figée dans la disparition. Les Livres du souvenir, en particulier ceux de Zelechow et de Falenitz, rendent compte de cette diversité, de la synagogue au mouvement révolutionnaire, de la cour du rabbin aux mouvements de jeunesse, de l’atelier artisanal aux romanciers.
La Communauté juive
Face à la dégradation de la situation économique et aux mesures discriminatoires, des réseaux d’entraide s’organisent : cantines populaires, maisons d’enfants, accueil de réfugiés, aides financières aux artisans et commerçants, aux consommateurs et aux victimes de pogroms. Des Caisses locales de crédit se créent, des mouvements associatifs se développent. Le Joint appuie financièrement ces tentatives de pallier l’étouffement économique.
L’intégration dans les structures officielles polonaises
Des partis politiques juifs se constituent, y compris sur le terrain parlementaire au lendemain de la Première Guerre mondiale, dans le cadre de l’Assemblée constituante et du débat sur les droits des minorités. Mais le refus de l’autonomie culturelle par le gouvernement polonais marginalise la dimension parlementaire, d’autant qu’à partir de 1930, le durcissement vers un régime autoritaire réduit le poids de la représentation parlementaire.
Cependant, le refus gouvernemental de l’autonomie politique et culturelle est en partie compensé par l’acceptation d’une autonomie religieuse. Le gouvernement de Pilsudski promulgue en 1927 une loi concernant la Kehila (représentation de la Communauté), qui régit les droits des Communautés religieuses et qui permet une certaine forme d’autonomie.
Les Juifs de Pologne sont répartis en 599 Kehilot, ayant le statut d’association.
Elles ont compétence dans les domaines religieux et philanthropique, mais pas dans le domaine politique. Dans les villes de moins de 5 000 habitants, la Communauté est dirigée par un bureau exécutif ; dans les grandes villes, ce bureau est complété par un Conseil (Kahal) dont le rabbin est membre d’office. Ces structures sont élues par les hommes, à bulletin secret et à la proportionnelle.
Le Conseil de la Communauté juive de Falenitz en 1938. Au premier rang en partant de la droite : Mendele Melcer, Awigdor Urterol (président), Josef Liberman, Herszel Gelbtrunk. Debout en partant de la droite : Mosze Kempner, Edelsztajn, Gakow-Kenigsman, et un représentant du Wawer (la région).
Un Conseil central regroupe les Communautés locales. Il est composé de 34 personnalités non religieuses et de 17 rabbins.
Institution de l’autonomie juive traditionnelle, il est à la fois une structure d’aide aux plus démunis – dans des conditions très difficiles, faute de ressources suffisantes pour faire face à la paupérisation des années trente – et donc un moyen de lutte pour l’existence du groupe, mais aussi une forme de collaboration avec un gouvernement hostile, renforçant le pouvoir des notables et s’opposant de plus en plus à la radicalisation des jeunes Juifs.
À partir de 1930, les orthodoxes obtiennent le droit d’éliminer des listes électorales aux conseils tous ceux qui critiquent la religion juive, donc les partis socialistes, sionistes et autonomistes.
Le développement de la vie juive
À côté et en opposition aux structures traditionnelles, se développent des mobilisations sociale, politique et culturelle. Une profusion de partis, d’associations, de confréries, de guildes, de groupes culturels, de ligues éducatives, d’écoles, etc. caractérisent la période de l’entre-deux-guerres.
Par exemple, en 1935 la presse en yiddish comporte 27 quotidiens, 100 hebdomadaires, 24 bimensuels, 58 mensuels et 16 organes à périodicité variable. Leur diffusion est générale dans tous les shtetlekh. Avant la guerre, 80 journaux juifs paraissaient à Varsovie.
La presse yiddish et hébraïque à Varsovie, 1910-1920. Les journaux en yiddish, 1919-1938. Un kiosque à journaux.
Les organisations politiques assurent aussi des tâches éducatives et culturelles, et établissent des réseaux de sociabilité, en particulier dans la jeunesse au sein de laquelle s’établit une culture alternative, et chez les jeunes femmes qui accèdent à une place que leur refusent les communautés traditionnelles.
L’effervescence éducative et culturelle est spectaculaire.
À côté de l’enseignement traditionnel religieux, en hébreu, dans les yeshivot et les talmudei-torah, et de l’enseignement public qui a obligation depuis le traité de Versailles de dispenser un enseignement religieux en plus du programme officiel (avec le shabbat comme jour de congé pour les Juifs), se développent des écoles juives d’une grande diversité : la Fédération pour la promotion des écoles juives, proche de la bourgeoisie, dispense un enseignement essentiellement en polonais, et, pour les matières religieuses, en hébreu ; les sionistes religieux constituent le réseau Yavne ; certaines écoles sont trilingues ; la CYSHO (Tsentrale Yidisher Shul Organizatsie), issue de la conception de l’autonomie culturelle, est fondée en 1921 sur un principe yiddishiste et séculariste ; d’un athéisme militant, elle innove également par ses méthodes pédagogiques.
La production littéraire explose en l’espace de deux générations, dans tous les genres, roman, théâtre et poésie.
Différents courants littéraires voient le jour – classiques ou avant-gardistes – et sous toutes les formes – réalisme, naturalisme, symbolisme ou fantastique.
Le débat linguistique traverse les sphères politique, éducative et culturelle
Une discussion sur la langue avait été menée en 1908 à la conférence de Czernowitz, en Bucovine, au Sud-Est de la Galicie.
Le débat sur le yiddish, langue populaire ou langue nationale, avait abouti à sa reconnaissance comme une des langues nationales du peuple juif.
Le yiddish demeurait cependant contesté, considéré comme devant rester cantonné à l’oral, à l’univers populaire et féminin. Il était parfois qualifié de « jargon », sans norme ni grammaire. Il était contesté à la fois par les tenants de la russification et par les hébraïsants, qui souhaitaient l’unicité d’une langue nationale.
Des centres de recherche se constituent : le YIVO (Yidisher Visnshaftlekher Institut) est créé à Vilno en 1925. Il donne à la culture yiddish, jusque là considérée comme essentiellement populaire, son statut. Il rassemble des documents d’archives, constitue des bibliothèques et élabore concepts et nomenclature du yiddish (entre autres, prononciation et règles de translittération).
Durant ses quinze premières années d’existence, le YIVO publie plus de cent volumes d’études et de recherches. Il collecte des milliers de manuscrits, de photos et de documents de tous types. Il organise des séminaires pour les enseignants. Il deviendra ainsi le centre d’études et d’histoire du yiddish et de la culture juive d’Europe centrale.
Le Bund
Le Bund (Algemeyner Yidisher Arbeiter Bund fun Lite, Poyln un Rusland, Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, Pologne et Russie) est un mouvement révolutionnaire juif créé en octobre 1897 à Vilno.
L’industrialisation de l’empire russe avait progressivement créé un prolétariat nombreux, issu de la paysannerie.
Le prolétariat juif avait une double spécificité : économique – issu de l’artisanat, et non de l’agriculture, il est resté concentré dans des secteurs particuliers tels le textile -, et culturelle – l’identité nationale et la langue yiddish le distinguaient du reste du prolétariat.
Avec les vagues successives d’antisémitisme d’État, les ouvriers juifs étaient soumis à la fois à l’oppression économique et aux discriminations politiques et raciales. « Les ouvriers juifs sont opprimés à la fois en tant que travailleurs et en tant que Juifs ».
Le développement des idées socialistes et le renouveau culturel de l’intelligentsia juive alimentent de nombreux débats.
L’assimilation des Juifs, qui se réalise en Europe occidentale, est impossible à l’Est : la vie est séparée dans le shtetl, qui est une forme de ghetto.
La revendication de l’égalité des droits et la lutte contre l’antisémitisme constituent des axes programmatiques du Bund, au même titre que les revendications sociales. « Ni l’assimilation, ni l’émigration, mais la lutte sur place avec les travailleurs et les socialistes des autres groupes nationaux qui vivent en Russie ».
L’emploi de la langue yiddish apparaît comme indispensable dans la propagande, en particulier dans la presse. À la défense des intérêts sociaux s’adjoint la défense des intérêts nationaux. Le Bund devient très vite, au travers de ses comités d’autodéfense qui protègent des pogroms les locaux syndicaux mais aussi les synagogues, un centre important de la vie juive.
Le développement du Bund est rapide : il devient une organisation de masse, à la fois parti politique et organisation professionnelle. C’est une organisation laïque.
Un an après sa naissance, le Bund avait été partie prenante, en tant que tel, de la création du Parti ouvrier social-démocrate russe (POSDR, futur parti bolchevik), en 1898 ; mais les divergences s’accumulent vite et une rupture intervient dès 1903.
La question nationale et celle de l’autonomie culturelle sont intensément débattues au Bund. Wladimir Medem prône l’autonomie nationale culturelle dans le cadre d’une fédération des peuples. La « doykayt » consiste à s’enraciner dans sa terre natale et à revendiquer le droit d’y vivre. En ce sens, il se distingue des organisations sionistes qui se créent à la même période. Le Bund est nationalitaire et internationaliste.
D’autre part, les sionistes ont vocation à mobiliser l’ensemble des Juifs (et l’on distingue les sionistes de gauche et les sionistes de droite), alors que les bundistes organisent les travailleurs.
Entre 1905 et 1914, du fait de la répression politique après l’échec de la révolution de 1905, le Bund développe des actions culturelles, des écoles, etc. Il perd de son importance en URSS après la révolution de 1917, il est même supprimé en 1921, mais il continue de se développer en Lituanie et en Pologne.
La Pologne est devenue indépendante depuis 1918. Toutes les organisations, bundistes, sionistes, communistes s’y développent, malgré la répression, même après l’instauration du pouvoir autoritaire de Pilsudski en 1930 et de la « république des colonels », semi-fasciste, en 1935.
Le Bund crée des syndicats, des écoles, des dispensaires. Il a un mouvement de jeunesse : le Yugnt Bund Tzukunft, Jeunesse du Bund Avenir, créé en 1919, qui fonde des sections professionnelles, organise des groupes sportifs, des chorales, des cercles culturels, des bibliothèques et connaît un développement considérable.
Le SKIF (Sotsialistisher Kinder Farband, Union des enfants socialistes juifs) est créé en 1926 et organise de nombreuses activités et camps de vacances. Le sanatorium pour les enfants d’Otwock-Miedzeszyn est ouvert en 1926. La Ligue de la culture (Kultur Lige), créée en 1918 à Kiev, connaît son apogée en Pologne dans les années vingt. Des réseaux d’écoles mixtes et laïques sont organisés pour contrebalancer l’enseignement religieux traditionnel : y participent le Bund et des organisations sionistes de gauche et sionistes-socialistes ; le yiddish est la base de l’enseignement.
Dans l’entre-deux-guerres, le syndicalisme juif s’intensifie en Pologne, malgré l’émiettement des unités de production: unions professionnelles et caisses de solidarité structurent les grèves et les manifestations à partir du début des années trente. La dégradation de la situation économique et les flambées d’antisémitisme accentuent la mobilisation à la fin de la décennie.
Le Bund est majoritaire parmi les travailleurs juifs : parti juif le plus important, il anime un véritable mouvement de masse. Majoritaire aux élections communautaires de 1936, il remporte également un grand succès aux élections municipales de 1938. Il est actif sur les terrains syndical, politique, culturel et éducatif.
Les organisations sionistes
Les origines du sionisme
En 1896, Theodor Herzl, journaliste viennois, écrit L’État juif. Convaincu de l’impasse de l’assimilation (montée de l’antisémitisme à Vienne, affaire Dreyfus en France, alors que l’égalité des droits civiques est réalisée en Europe de l’Ouest), il popularise l’idée de la renaissance et de l’indépendance du peuple juif sur la terre d’Israël.
Il propose la création d’une organisation juive mondiale, destinée à promouvoir l’installation en Palestine. Le premier congrès sioniste international se tient à Bâle en août 1897. La déclaration de Bâle affirme que le sionisme a pour but la création d’un foyer national juif. L’Organisation sioniste mondiale est créée.
C’est dans le judaïsme russe (dont la Pologne, sous domination de la Russie) que l’écho est le plus grand.
L’aspiration à une vie plus digne et la montée de l’antisémitisme (l’antisémitisme d’État, fait d’exclusion et de discrimination, relayé par la violence de groupes qui multiplient les pogroms) cristallisent les courants sionistes. La partie de l’intelligentsia qui promouvait la culture hébraïque moderne se mobilise pour la renaissance sociopolitique des Juifs en Palestine.
Depuis quelques années existait déjà un groupe, Hovevei Tsion (Les amants de Sion), qui, devant la montée de la terreur, préconisait l’établissement d’un foyer national juif.
Le projet de Herzl conduit à la multiplication des rencontres et à la constitution de nouveaux groupes. Le sionisme est non seulement un courant politique, mais aussi le canal de diffusion de la culture hébraïque. Il cherche à donner une identité collective aux Juifs, à fonder culturellement la nation juive moderne, en dehors du cadre religieux. L’organisation des masses juives de la diaspora vise aussi à renforcer leur autonomie culturelle (réseaux d’écoles en hébreu, etc.).
Le sionisme en Pologne
Après 1918, le sionisme disparaît dans la Russie bolchevique mais se développe en Pologne (devenue indépendante et dont les frontières ont été redéfinies), où il forge une identité nationale juive face au nationalisme antisémite.
Le courant des sionistes généraux lutte à la fois pour la création d’un foyer juif en Palestine et pour l’égalité civique des Juifs en Pologne.
Le mouvement se fragmente entre sionistes religieux et sionistes laïques, entre sionistes de gauche et de droite.
Les membres de la gauche sioniste tentent de concilier nationalisme juif et idéal socialiste. En restant partisans d’une solution étatique, ils participent à la vie politique : la lutte des classes est la solution au problème social, l’existence étatique est la solution à la question nationale juive. Ils sont nationalitaires dans l’immédiat et nationalistes dans le futur.
« La lutte pour les droits de la nationalité juive dans la diaspora implique nécessairement pour l’avenir un projet de vie nationale en Palestine. La lutte pour la Palestine de demain, de son côté, doit être précédée par la lutte d’aujourd’hui contre toute forme d’oppression et de préjugé, une lutte pour les pleins droits de la nationalité juive. »
La participation à la lutte locale et la participation à la construction d’un nouveau territoire constituent les deux volets d’action des sionistes socialistes. L’obtention des droits politiques, juridiques et civiques permettra l’existence étatique non territoriale, étape vers la concentration territoriale. L’articulation entre ces différents aspects suscite des divergences et la formation de plusieurs groupes distincts, combinant différemment autonomie nationale politique et autonomie territoriale.
Les sionistes-socialistes sont partisans d’un foyer national juif, mais sans référence à la Palestine. Ils s’opposent à la conception bundiste de l’autonomie nationale culturelle. Mais ils la rejoignent sur le marxisme et le yiddishisme.
Le Poale Tsion (Ouvriers de Sion) fait référence à la Palestine, où « l’ouvrier juif sera le pionnier de l’avenir juif ». Il se définit comme marxiste. Il scissionne entre une composante de droite, qui rejette le marxisme, et une composante de gauche, qui devient le parti le plus dynamique après le Bund.
Le DROR en est l’organisation de jeunesse.
Tseirei Tsion (Jeunes de Sion) est partisan d’un socialisme populaire. Il s’inspire des pionniers juifs en Palestine, en particulier du parti Hapoël-Hatzaïr.
L’Hashomer Hatzaïr est un mouvement de jeunesse sioniste et socialiste qui accorde une grande attention à l’éducation, qui rejette ce qui s’apparente à la tradition, qui a de nombreuses activités culturelles et qui prépare la jeunesse à la vie en kibboutz. Il structure la jeunesse en s’inspirant du scoutisme.
Le mouvement Ha-Haloutz (Le pionnier) prépare ses membres au travail agricole pour leur émigration en Palestine. Des groupes de haloutzim se constituent dans toute l’Europe orientale. Ils créent des écoles agricoles, des fermes, des ateliers collectifs, pour former des travailleurs agricoles conscients. Il regroupe surtout des jeunes. Tout en affichant des buts émigrationnistes, il est engagé dans la défense des droits civiques et économiques et mobilise la jeunesse combative.
Les sionistes révisionnistes sont des sionistes de droite. Ils sont contraints de quitter l’organisation sioniste mondiale parce qu’ils exigent le départ vers la Palestine de tous les Juifs de Pologne et que leur organisation est de type paramilitaire.
Le Betar en est l’organisation de jeunesse.
Photo de présentation : PAINTINGS ON JUDAICA BY EDUARD GUREVICH
Extrait de : http://www.unlivredusouvenir.fr/
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