François et Berthe Bousson tiennent une petite épicerie à Boissy-Saint-Léger dans les environs de Paris. En 1938, Hillel et Nacha Rutkowski, un couple juif qui réside à Paris, confie leur fils Jacques à la famille Bousson. Nacha, qui est en convalescence suite à un épisode de tuberculose, vient rendre visite à son fils tous les mardis.
En 1941, Hillel Rutkowski est arrêté et interné à Drancy, le camp de transit d’où partent les convois vers Auschwitz et d’autres camps d’Europe de l’Est. Il reste en détention jusqu’à sa déportation en juin 1942. Sa femme Nacha est arrêtée lors de la grande rafle du Vel d’Hiv le 16 juillet 1942 et déportée vers l’Est quinze jours plus tard. Avant son départ, elle parvient à faire sortir clandestinement de Drancy une lettre adressée aux Bousson, dans laquelle elle leur demande de traiter Jacques comme leur propre fils. Les Bousson honoreront cette requête et prendront soin de Jacques jusqu’à la fin de la guerre. Après la Libération, ils rendront l’enfant devenu orphelin à des membres de sa famille à Lyon.
Lettre envoyée par Nacha Rutkowska à Berthe Bousson en juillet 1942, avant sa déportation à Auschwitz le 29 juillet. Bien qu’elle exprime dans cette lettre sa certitude qu’elle sera bientôt de retour, Nacha ne reviendra jamais chercher son enfant. Elle fut probablement assassinée peu de temps après son arrivée au camp d’extermination.
Hillel, l’époux de Nacha, a été déporté un mois auparavant, le 22 juin 1942. Il survivra à la première sélection au moment de son arrivée à Auschwitz et parviendra à rester en vie un peu plus d’un mois avant de succomber du fait des conditions de vie du camp. Son nom figure dans les registres d’Auschwitz avec ceux des personnes décédées le 28 juillet 1942, soit trois jours avant l’arrivée de sa femme au camp. Le souhait de revoir son mari exprimé par Natacha dans sa lettre ne sera pas exaucé.
La dernière lettre
Chère madame Bousson,
Comme vous le savez probablement, je suis actuellement à Drancy et à l’heure où vous lirez ces lignes, je serai déjà en route pour la déportation, probablement en Pologne. Cependant, ne croyez pas que je sois désespérée. Au contraire, je suis plus confiante que jamais quant à l’avenir. Je sais, je sens, que cette misère dans laquelle je me trouve actuellement ne va pas durer longtemps et que je reviendrai bientôt en en bonne santé. Si c’est effectivement en Pologne que nous allons, j’essaierai d’y trouver mon mari et les amis dont je vous ai parlé. J’ai une demande à vous faire : celle de protéger mon enfant et de prendre soin de lui comme si c’était le vôtre. J’ai pleinement confiance en vous.
Comme vous le savez probablement, je suis actuellement à Drancy et à l’heure où vous lirez ces lignes, je serai déjà en route pour la déportation, probablement en Pologne. Cependant, ne croyez pas que je sois désespérée. Au contraire, je suis plus confiante que jamais quant à l’avenir. Je sais, je sens, que cette misère dans laquelle je me trouve actuellement ne va pas durer longtemps et que je reviendrai bientôt en en bonne santé. Si c’est effectivement en Pologne que nous allons, j’essaierai d’y trouver mon mari et les amis dont je vous ai parlé. J’ai une demande à vous faire : celle de protéger mon enfant et de prendre soin de lui comme si c’était le vôtre. J’ai pleinement confiance en vous.
Je vous demande de ne pas confier mon petit à qui que ce soit, à l’exception de ma mère. Je vous ai envoyé de l’argent. Vous l’avez probablement déjà reçu. Il se peut que je puisse aussi envoyer un colis avec des vêtements, mais ce n’est pas certain. Si j’en envoie un, vous en serez avertie et vous pourrez aller le récupérer. Je vous demande de vous rendre à nouveau à l’adresse que je vous ai donnée, même si je sais que vous avez beaucoup à faire. A présent, je dois vous quitter. Je vous demande encore une fois de prendre soin de mon petit et de faire en sorte qu’il ne manque de rien. J’ai demandé à quelqu’un d’écrire cette lettre pour moi, car je ne suis pas en état d’écrire. Veuillez m’en excuser.
Madame Rutkowska.
Madame Rutkowska.
Pour obtenir mon adresse, veuillez-vous adresser à la Croix-Rouge française. Je vous écrirai dès que possible. Monsieur Max Bedouet viendra vous voir. Faites-lui bon accueil, c’est un homme bon.
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