Depuis quelques jours, des milliers de groupes Facebook deviennent « secrets ». Un emballement consécutif au sabotage, puis au bannissement, d’un groupe très populaire.
« Ce groupe est passé de fermé à secret. » Ces derniers jours, de nombreux utilisateurs de Facebook ont reçu ce type de notification concernant des groupes dont ils sont membres. Depuis le début de la semaine, des milliers de groupes Facebook « fermés » ont en effet décidé de devenir « secrets » – c’est-à-dire qu’ils n’apparaissent plus dans le moteur de recherche de la plate-forme et que personne ne peut donc demander d’en devenir membre. Pourquoi ?
Si tant d’administrateurs rendent soudain leurs groupes secrets, c’est qu’ils craignent qu’ils ne soient sabotés par des personnes y postant des contenus interdits par Facebook, afin que le réseau social bannisse le groupe.
L’affolement a commencé lundi 13 mai, quand le groupe anglophone « Crossovers Nobody Asked For » (CNAF), qui diffuse notamment des mèmes (des images humoristiques détournées à l’infini), a soudain été supprimé par Facebook pour violation de ses conditions d’utilisation. Stupéfaits, les administrateurs de ce groupe très populaire (plus de 400 000 membres) en ont rouvert un autre dans la foulée, « Crossovers Nobody Asked For, Season 2 »… Qui a, lui aussi, été banni le lendemain.
Facebook évoque un « sabotage »
Jeudi, Facebook a annoncé à la presse américaine que ces groupes avaient été supprimés par erreur, à la suite de « sabotage ». L’entreprise les a d’abord sanctionnés, après y avoir effectivement détecté des contenus interdits. Mais elle s’est ensuite rendu compte que ces contenus « avaient été postés pour saboter des groupes légitimes, qui n’enfreignent pas » les règles de Facebook, a déclaré le réseau social, qui va rouvrir les groupes concernés.
Les administrateurs de CNAF ont, de leur côté, mené leur propre enquête, et accusé une page, « Indonesian Reporting Commission », d’être à l’origine de ce sabotage. Cette page rassemble plus de 10 000 personnes et encourage sa communauté à signaler en masse à Facebook certains contenus, afin que le réseau social les repère et les supprime. Des membres de CNAF ont publié des captures d’écran, issues selon eux de cette page (depuis inaccessible), célébrant la suppression du groupe. Des informations relayées dans un article du site Know your meme, une référence sur la culture Web, très reprises ces derniers jours au sein des groupes Facebook.
Un affolement généralisé qui a dépassé le cadre des groupes anglophones de mèmes...
Cela a suffi à déclencher un affolement généralisé, qui a largement dépassé le cadre des groupes anglophones de mèmes. « Je passe le groupe en secret jusqu’à ce que la menace soit détectée puis neutralisée », pouvait-on, par exemple, lire dans un groupe francophone local. « Je ne sais pas si c’est vrai, mais j’ai vu plein de groupes changer leur configuration, alors on fait pareil », peut-on lire dans un autre groupe, anglophone, consacré à un groupe de musique.
En devenant « secrets », ces groupes deviennent indétectables par de potentiels saboteurs qui chercheraient à les infiltrer. Mais l’ampleur de la menace semble aujourd’hui largement surestimée, même si ce type de sabotage est une technique désormais connue, consistant à abuser des dispositifs de modération de Facebook.
Confusion autour de la politique de modération de Facebook
La psychose des derniers jours peut d’ailleurs s’expliquer, en partie, par la défiance des utilisateurs envers ces dispositifs. Facebook les a considérablement renforcés ces dernières années, après avoir été accusé de laxisme, notamment par des gouvernements. Et se voit aujourd’hui également critiqué pour sa sévérité – le président américain, Donald Trump, estime par exemple que les réseaux sociaux comme Facebook censurent à tort des voix conservatrices, en luttant contre les discours haineux.
L’inconstance des décisions de Facebook en matière de modération (il arrive que des images historiques soient censurées alors qu’un terroriste peut diffuser son massacre en direct), ainsi que l’utilisation croissante d’outils automatisés (et imparfaits) pour détecter les contenus interdits, crée la confusion parmi les utilisateurs, et inquiète les administrateurs de groupes, qui ont parfois mis des années à bâtir leur communauté. La peur d’être « zucced » (un terme d’argot du Web signifiant s’être fait censurer par Mark Zuckerberg, le patron de Facebook) explique en partie la réaction en chaîne de ces derniers jours.
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