De la mémoire du mobile aux fichiers des opérateurs, elle peut à peu près tout obtenir.
En découvrant dans la presse les textos échangés par Dominique
Strauss-Kahn avec ses amis lillois, combien d'hommes et de femmes
ont frémi à l'idée qu'un jour ils puissent avoir à rendre des comptes sur
les SMS qui rythment leur vie intime ? La police dispose depuis peu
de nouveaux outils qui lui permettent de savoir à peu près tout de
ces échanges numériques. À condition de respecter certaines
règles légales. Elle a placé en 2010 plus de 20.000 lignes cellulaires
sous écoute judiciaire, la dérivation des SMS constituant une
option, généralement souscrite par les services d'enquête.
• La mémoire du mobile
Concernant l'affaire de Lille, les textos de DSK ont été récupérés
dans la mémoire du téléphone d'un entrepreneur qui avait bien
pensé à effacer ses réponses à l'homme politique (messages
envoyés), mais pas les questions posées par celui-ci (messages
reçus). Quand bien même il aurait tout écrasé, des logiciels
sont fournis par les fabricants de smartphones pour
restaurer les données, notamment le journal des appels.
«Tous les mobiles n'offrent pas cette possibilité, certains
modèles anciens présentant une architecture rudimentaire,
mais un BlackBerry comme celui que j'utilise perd
difficilement la mémoire», ironise un chef de groupe de la
brigade des stups. Par ailleurs, la puce ou carte SIM de l'appareil,
même endommagée, peut dévoiler ses secrets. Des analyses
fines permettent notamment de lire des résidus de données qui
seront ensuite assemblés, comme un puzzle. La gendarmerie
technique et scientifique, à Rosny-sous-Bois, est passée maître
dans l'art de faire parler les composants détruits.
• Les données de connexion
La loi fait obligation aux opérateurs de conserver un an les
données de connexion des lignes attribuées, c'est-à-dire
les numéros appelant et appelés, y compris lors d'échanges
de SMS, les heures de début et de fin d'appel et les bornes
activées lors de la connexion. Les magistrats peuvent ainsi
demander aux services enquêteurs de reconstituer sur une
année les liens entre les individus et même leurs itinéraires,
à la seconde près. Par ailleurs, dans le cadre de la lutte
antiterroriste et uniquement dans ce cadre, une loi de 2006
autorise les services à obtenir ces données directement
auprès des opérateurs, après visa d'une personnalité qualifiée
placée auprès du ministre de l'Intérieur.
• Le contenu des messages
Officiellement, le contenu des textos n'est pas archivé par les
opérateurs comme le sont les données de connexion. Mais un
technicien concède que «techniquement la chose est possible».
Et même réalisée, puisqu'un texto dont l'envoi échoue est
renvoyé jusqu'à trois jours plus tard en cas de saturation
du réseau. «Dans les pays du Golfe et dans la Tunisie de Ben Ali,
ils sont archivés ou l'ont été», révèle un ingénieur contacté
par Le Figaro.
Légalement, en tout cas, la police ne peut se faire
transmettre les contenus qu'à compter d'une demande
formulée dans deux cadres précis. D'abord, en réclamant une
interception de sécurité ou «écoute administrative», visée par
Matignon, pour prévenir le terrorisme, l'espionnage économique,
le crime organisé, la reconstitution de ligue dissoute ou pour des
motifs de sécurité nationale. Ensuite, dans le cadre d'écoutes
Judiciaires réclamées par un magistrat. Le flux pourra alors
être dérivé pour un mois, renouvelable une fois, dans le cadre
des enquêtes préliminaires du parquet, uniquement pour les
infractions les plus graves, et pour quatre mois, renouvelables
autant que de besoin, lorsque l'affaire dépend d'un juge d'instruction.
«Les SMS sont envoyés sur des postes dédiés installés dans les
services. Mais bientôt, ils atterriront sur nos propres
smartphones, puisque nous pouvons déjà y entendre, en temps
réel, les conversations des voyous», confie une ancienne enquêtrice
de la brigade criminelle. Selon elle, «la police ne peut réellement
exploiter les SMS que depuis 2007».
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