Politiques, entreprises ou individus peuvent se retrouver piégés à tout moment dans le Far West numérique. Fake news, erreurs de com, insultes, cyberharcèlement… Comment faire pour éviter la crise ?
Retenez-nous, car on fait le malheur. Voici le message qu’a fait passer Mark Zuckerberg le 31 mars dans le Journal du dimanche : « Les décideurs publics me disent que nous avons trop de pouvoir en matière d’expression et, franchement, je suis d’accord » écrit le fondateur de Facebook, qui demande aux gouvernements de « jouer un rôle plus actif » pour réguler Internet. Si le patron du réseau social le plus puissant du monde prend les devants, c’est qu’il sait que les excuses ne suffisent plus face aux scandales - de l’incapacité à bloquer les contenus violents, comme la diffusion en direct de l’attentat en Nouvelle-Zélande, à sa gestion laxiste des données, révélée par l’affaire Cambridge Analytica, officine qui a siphonné les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs pour manigancer des campagnes ciblées en faveur du Brexit puis de Donald Trump.
Facebook, Twitter, YouTube, Instagram, Snapchat : ces agoras numériques où plus de 3 milliards de personnes (40 % des Terriens) se connectent pour communiquer, se divertir, s’informer, sont désormais clouées au pilori. Certes, Facebook a favorisé les printemps arabes, Twitter boosté le mouvement #metoo et Instagram révélé des artistes et entrepreneurs de talent. Mais les voilà accusés d’abêtir les débats politiques (voir p.73), de piéger plus d’une entreprise (voir p. 68) et d’empoisonner la vie de nombre de citoyens (voir p.70), bref de mettre en danger la cohésion sociale. « Internet est un miroir qui reflète les maux de la société, relève le sociologue Gérald Bronner. Les outrances, préjugés, rumeurs et contre-vérités ont toujours existé dans l’histoire de l’humanité. Mais les réseaux sociaux créent une chambre d’écho qui génère une hystérisation de la vie publique, et une déchéance de la rationalité. »
A chaque réseau social, son identité, ses codes et sa communauté… et son fléau. Facebook, le plus populaire, utilisé jusque par les grands-parents, est surreprésenté dans les classes moyennes et populaires. C’est le terrain de jeu favori pour propager des fake news, comme, dernièrement, cette rumeur fantaisiste en Seine-Saint-Denis de Roms kidnappeurs d’enfants, qui a provoqué de vrais tabassages en représailles. La mobilisation 2.0 des « gilets jaunes », si elle a exprimé une colère légitime, a montré l’ampleur virale des désinformations, soupçonnant le président Macron d’aider l’ONU à remplacer des citoyens européens par des immigrés, assurant que le gouvernement est illégal car la France n’a plus de Constitution ou que les forces de l’ordre ont recruté des gendarmes étrangers (voir image ci-contre)… Au total, selon l’ONG Avaaz, cent infox de « gilets jaunes » ont été vues plus de 100 millions de fois sur Facebook !
Si Twitter relaie aussi des élucubrations, ce réseau, plutôt fréquenté par les milieux aisés, les décideurs économiques et politiques, les étudiants, est surtout réputé pour être devenu un lieu d’échanges virulents, comme le montre au premier chef Donald Trump. Pour faire le buzz en 280 signes, il faut se montrer percutant et les dialogues virent vite à l’insulte, les débats à la polémique. Les saillies diffamatoires, racistes, sexistes, homophobes, négationnistes pullulent. Et le harcèlement est courant, tel que l’ont révélé les agissements la Ligue du LOL, bande de journalistes et communicants qui trouvaient cool de « clasher » en bande des féministes. La plateforme de vidéos YouTube est aussi dans le collimateur, truffée de spots racoleurs et douteux. Sur Snapchat, très fréquenté par les jeunes, le système d’effacement au fur et à mesure des photos et messages est propice aux bêtises ...
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